BTP Aubret Var
Dépôts sauvages : coup de filet sur la Côte d'Azur
Terre, béton, ferraille, goudron… Pendant des années, ce sont des centaines de milliers de mètres cubes de déblais de chantier qui ont fait l’objet de dépôts sauvages sur une vingtaine de sites de la Côte d’Azur, dans le Var, et jusque dans les Alpes-Maritimes. Une pratique bien évidemment illégale, qui faisait l’objet d’un « système organisé » mis à jour par les parquets de Draguignan et de Nice.
Les responsables de ce système obtenaient des marchés d’évacuation de gravats, facturaient au tarif réglementaire, mais écoulaient et entreposaient ces déblais « sur des terrains privés ou publics, en trompant ou en menaçant les propriétaires », explique le parquet de Draguignan. Le tout pour un coût « environ cinq fois moins cher ».
Mardi 9 juin, après plusieurs mois d’enquête, le siège de six sociétés de travaux publics et deux chantiers ont été perquisitionnés, après quoi 11 personnes ont été placées en garde à vue, rapporte l’AFP. Plusieurs camions et engins de chantier ont également été saisis.
Ce vaste coup de filet a mobilisé près de 200 gendarmes, appuyés par un hélicoptère et assistés par des agents du fisc ainsi que par la direction régionale de l’environnement. Les infractions soupçonnées sont nombreuses : gestion irrégulière de déchets en bande organisée, abandon de déchets en bande organisée, escroquerie en bande organisée, blanchiment d’escroquerie en bande organisée, menace de mort, de crime ou délit sur un officier public, extorsion par violence, blanchiment de délit, travail dissimulé par dissimulation d’activité et par dissimulation de salariés. Les peines encourues peuvent aller jusqu’à 10 ans de prison et un million d’euros d’amende, outre les dommages et intérêts et frais de remise en état des terrains souillés.
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Abandon de déchets : ce que dit la loi
[par Héloïse Aubret, fondatrice du réseau Greencode Avocats]
Les producteurs et détenteurs de déchets doivent respecter les conditions relatives à la production, à la collecte, au transport et au traitement de leurs déchets, afin que soit assurée la transparence du circuit d’élimination. Si ce n’est pas le cas, ils se rendent coupables d’une des nombreuses infractions prévues à l’article L. 541-46, I, du code de l’environnement.
L’article L. 541-46, I, 4° du code de l’environnement réprime notamment le fait d’« abandonner, déposer ou faire déposer, dans des conditions contraires aux dispositions du présent chapitre, des déchets ».
Ainsi, tout abandon sauvage de déchet est sanctionné.
Qui est responsable ?
Procéder à une gestion respectueuse des déchets incombe non seulement à celui qui détient les déchets, mais également à celui qui les produit.
Plus précisément, la loi (article L541-1-1 du code de l’environnement) définit le producteur de déchets comme étant « toute personne dont l’activité produit des déchets (producteur initial de déchets) ou toute personne qui effectue des opérations de traitement des déchets conduisant à un changement de la nature ou de la composition de ces déchets (producteur subséquent de déchets) ». Elle définit le détenteur comme le « producteur des déchets ou toute autre personne qui se trouve en possession des déchets ».
Aussi, la responsabilité est très largement définie, afin que tous les acteurs, du producteur à l’éliminateur des déchets, soient impliqués dans la gestion desdits déchets.
C’est pourquoi les producteurs de déchets doivent choisir avec précaution les entreprises qui vont prendre en charge leurs déchets afin de les traiter conformément à la réglementation en vigueur. Ces entreprises doivent pour la plupart faire l’objet d’un arrêté préfectoral leur permettant d’exercer conformément à la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement. L’objectif est bien entendu pour le producteur d’éviter des poursuites pénales en cas d’abandon ultérieur des déchets.
Peines encourues ?
L’article L. 541-46, I, du code de l’environnement punit de deux ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende le fait d’abandonner des déchets.
Cette peine s’applique aux personnes physiques. Pour les personnes morales, l’amende peut être multipliée par cinq pour être suffisamment dissuasive, conformément à l’article 131-38 du code pénal. Ainsi, le montant de l’amende est porté à 375.000 euros.
Si les infractions ont été commises en bande organisée, il s’agit d’une circonstance aggravante. Ainsi, la bande organisée participe à l’aggravation des infractions commises et du quantum des peines encourues (10 ans d’emprisonnement et 1 million d’euros d’amende). Rappelons que cette circonstance suppose la préméditation des infractions, et que les membres de la bande aient pris la décision d’agir en commun dans le cadre d’une certaine organisation.
Responsabilités
· Responsabilité du dirigeant
Toute personne chargée de la direction, de la gestion ou de l’administration d’une entreprise, qui a laissé sciemment méconnaître par toute personne relevant de son autorité une disposition légale ou réglementaire, est responsable pénalement (L.541-48 du code de l’environnement). La responsabilité pénale pèse donc sur le dirigeant d’entreprise, qu’il soit de droit ou de fait.
· Responsabilité de la personne morale
La responsabilité de l’établissement au sein duquel travaille la personne physique ayant commis les faits, peut être poursuivie pénalement, en plus de ses dirigeants. Comme exposé, l’entreprise personne morale s’expose à une amende cinq fois supérieure à celle de son dirigeant, soit 375.000 euros d’amende.
Responsabilité administrative
Enfin, l’entreprise auteur des faits réprimés peut se voir infliger une sanction administrative, pouvant aller jusqu’au paiement d’une amende de 150.000 euros et à la suspension de son fonctionnement (article L.541-3 code de l’environnement).