mission Darblay Kerbarh
Rendez-vous avec... Isabelle Valentin et Camille Galliard-Minier, députées
Posté par : Martine Chartier 01.02.2021 à 20h00
Les difficultés rencontrées par le site de La Chapelle Darblay, dans la banlieue rouennaise, ont constitué le point d’entrée de la mission d’information ouverte sur la filière papier par la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale.
Isabelle Valentin, députée de la Haute-Loire, et Camille Galliard-Minier, députée de l’Isère, en étaient la présidente et la rapporteure. Le 27 janvier dernier, elles ont présenté les résultats de six mois de travaux menés dans des conditions particulières en raison de la crise sanitaire. Dans le cadre de cette mission, une trentaine d’auditions ont été réalisées auprès de 80 personnes. Un seul déplacement a été effectué, dans les Vosges sur le site de Norske Skog à Golbey et les papeteries de Clairefontaine. Camille Galliard-Minier s’est également rendue sur le site UPM de La Chapelle Darblay, celui d’International Paper à Saillat-sur-Vienne (87) et au Centre Technique du Papier.
Députée de la Seine-Maritime, Stéphanie Kerbarh avait lancé l’alerte sur la fermeture de la papeterie normande. « La Chapelle Darblay qui fabriquait du papier journal avec 100 % de fibres recyclées est installée dans notre tissu industriel depuis des décennies. Nous avons un outil industriel de qualité et qui fonctionne, des ouvriers compétents et qui pourtant s’arrêtent, regrette Camille Galliard-Minier. La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a considéré qu’il était opportun d’essayer d’identifier les raisons pour lesquelles elle était en difficulté alors même que le recyclage du papier s’inscrit dans l’économie circulaire promue en France. Il s’agissait, plus largement, d’étudier la situation de la filière du recyclage du papier en France et les recommandations que nous pouvions formuler pour essayer d’améliorer la situation. »
Pérenniser une filière
« Au cours des auditions, nous avons entendu des acteurs industriels de la presse, de la papeterie, de l’hygiène, les recycleurs, l’ONF, les collectivités locales, etc. Nous nous sommes aperçus que les uns ne connaissaient pas toujours le métier des autres », souligne la rapporteure. « L’amont et l’aval de la filière ne travaillent pas ensemble », surenchérit Isabelle Valentin. « Pour pérenniser une filière papetière en France, reprend la rapporteure, qu’il s’agisse de papier neuf ou recyclé, il faut travailler ensemble et trouver des solutions industrielles. Des marchés se développent en incitant les industriels et les consommateurs à l’achat de produits issus de matières recyclées. »
La commande publique constitue un appel d’air puisque quelque 88 % du papier bureautique acheté par les services de l’Etat sont composés d’un minimum de 50 % de fibres recyclées. « Nous recommandons aux collectivités territoriales de suivre le même chemin que la collectivité nationale, leur consommation de papier recyclé n’est actuellement que de 4 % », déplore Camille Galliard-Minier.
Parmi les freins ou les réticences, la rapporteure note celle des éditeurs car le livre est un bien durable, mais le doute sur la pérennité du papier recyclé peut être levé. Il reste pour nombre de consommateurs que la blancheur du papier équivaut à sa qualité. « On peut peut-être éduquer le consommateur à accepter du papier moins blanc et inciter la filière papetière à moins recourir à des produits chimiques. »
La mission s’est penchée sur la consommation des différents segments, constatant que la baisse de la consommation de la PQR (presse régionale) semble inexorable mais qu’en revanche les magazines résistent bien, de même que les livres.
L’équilibre de la filière est l’une des préoccupations de la mission : « Nous devons prendre soin de ne pas déstabiliser la filière bois », insiste la présidente, consciente de la nécessité de ne pas dissocier le papier de sa matière d’origine. Le destin de ces deux filières est intimement lié. Pour la rapporteure, « le papier ne peut pas être recyclé à l’infini, à un moment un apport de pâte vierge est nécessaire ».
Les mesures et recommandations formulées laissent une large place à l’organisation de la filière.
« Aujourd’hui, constate Camille Galliard-Minier, le souhait des industriels est de maintenir les outils, de les moderniser ou de les réorienter vers d’autres productions plutôt que de construire de nouvelles usines. Nous avons tout ce qu’il faut en France : la matière à recycler, des industriels performants, une recherche, une formation… cela ne fonctionne pas aussi bien que cela devrait mais nous avons la chance d’avoir des atouts. »