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OPA de Veolia sur Suez / Ardian : chevalier blanc ou casque bleu ?

Posté par : Christophe Véron 19.01.2021 à 10h40

Le groupe Suez parviendra-t-il à échapper à l’OPA que son rival Veolia, qui détient déjà 29,9 % de son capital, veut lancer sur lui ? Son patron, Bertrand Camus, en rêve et mise beaucoup sur une lettre d’intention déposée dimanche 17 janvier par les fonds Ardian et GIP (Global Infrastructure Partners). Si cette lettre n’a pas autant fait bouger les lignes que Suez l’aurait souhaité, des discussions vont enfin s’engager avec Veolia. Présenté par Suez comme un chevalier blanc dans sa guerre contre Veolia, pour nombre d’observateurs Ardian fait en fait davantage figure de casque bleu.

Concrètement, le fonds Ardian s’est aligné sur le prix proposé par le groupe Veolia (18 euros par action) pour racheter les 70,1 % du capital de Suez qu’il ne détient pas encore, tout en précisant que le projet porté avec l’Américain GIP ne constitue pas une OPA ou une contre-offre. En revanche, les deux fonds se disent prêts à investir à la condition d’un accord entre Veolia et sa cible. « Suez est prêt à ouvrir un dialogue avec Veolia afin de construire une solution dans l’intérêt de toutes les parties concernées qui renforcera les deux leaders mondiaux français des services à l’environnement », écrit Suez dans son communiqué. Réponse de Veolia : « Nous avons compris que, du côté d’Ardian et de ses partenaires, il n’y avait pas de contre-offre, pas de projet alternatif au projet de Veolia. Ceci étant désormais clarifié, nous allons pouvoir dialoguer avec Suez sur la base de ma proposition (...) », a déclaré Antoine Frérot, écartant l’idée de relever sa propre offre. Il a par ailleurs estimé que « la proposition d’Ardian et de son partenaire est de se mettre à la disposition de Suez pour éventuellement acquérir les actifs qui devront être cédés, mais il n’y a pas de contre-offre à celle de Veolia ».

Une chose semble acquise pour nombre d’observateurs : « Après les baffes et les menaces, voici venu le temps des mamours et des coups de fil de retrouvailles. » Voire… Veolia garde manifestement son objectif intact de racheter la plus grande partie de Suez. A ce stade, l’entrée en lice d’Ardian ne change pas grand chose. Très sibyllin, Antoine Frérot a laissé entendre qu’il ne considère pas le fonds de pension comme « un concurrent mais comme un partenaire » dont l’intérêt serait de débloquer la situation. D’aucuns estiment ainsi que Veolia pourrait céder en lot de consolation pour service rendu à Ardian, quelques filiales de Suez une fois pris le contrôle de ce dernier. C’est dire que celui-ci n’a pas vraiment intérêt à trop fâcher le groupe d’Antoine Frérot…

 

Petits arrangements entre amis ?

Les analystes sont ainsi nombreux à considérer que cette partie de bras de fer peut s’achever « en petits arrangements entre amis »… mais aussi que Suez risque de finir à la découpe. Reste à savoir qui repartira avec les morceaux de choix. Trois hypothèses : Veolia, Ardian ou les dirigeants actuels de Suez. D’aucuns voient bien ces derniers conserver la distribution d’eau en France puisque Veolia ne pourra pas garder cette activité de Suez pour des raisons de concurrence. Toutefois Antoine Frérot avait prévu de vendre l’eau au fonds Meridiam, lequel se montre particulièrement hostile à l’offre Ardian. « Si l’on veut tuer un concurrent, confier Suez à ces deux fonds LBO est probablement le moyen le plus efficace d’y parvenir », a asséné Thierry Déau, fondateur de Meridiam pour qui Ardian et GIP « sont des fonds LBO qui ont déjà eu des expériences malheureuses avec deux entreprises d’eau et d’environnement qu’ils géraient : la Saur en France et Biffa en Grande-Bretagne ».

 

Accueil favorable des syndicats chez Suez

De son côté, l’intersyndicale de Suez a accueilli « favorablement, en première lecture, la solution alternative et amicale au projet hostile de Veolia », garantissant « a priori » l’absence de « démantèlement » de leur groupe, une « préservation de l’emploi en France » et une « forte augmentation de l’actionnariat salarié ». A l’annonce de l’offre d’Ardian, l’action Suez a clôturé en hausse de 3,24 % à 17,50 euros lundi à la Bourse de Paris, tandis que Veolia a baissé de 1,77 % à 22,72 euros. On en saura plus d’ici le 30 juin, date limite de l’Assemblée générale des actionnaires de Suez.