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Mainmise de Citeo sur le recyclage des plastiques

La contestation s'organise

Posté par : Christine Lairy 31.05.2022 à 16h00

Le bras-de-fer s’intensifie dans la filière du recyclage des emballages ménagers, entre l’éco-organisme Citeo d’un côté, et les opérateurs de gestion des déchets associés aux collectivités de l’autre.

Le sujet de la discorde est bien connu, il s’agit de la propriété de certains emballages ménagers en plastique.

Petit retour en arrière explicatif : la loi Agec de février 2020 a fixé au 1er janvier 2023 la généralisation de l’extension des consignes de tri (ECT) à tous les emballages — c’est-à-dire le dépôt de tous les emballages dans la poubelle jaune. Or tout ce gisement potentiel n’est à ce jour pas réellement recyclé. Ne le sont vraiment que les emballages produits intégralement ou quasiment avec du PET, les bouteilles d’eau transparentes, les flacons et bouteilles en PP, et les emballages plastiques rigides en PEHD.

A ce stade, estime l’éco-organisme Citeo, le taux de recyclage des emballages plastiques plafonne à 28 %, alors qu’il pourrait atteindre 65 % du gisement (1 million de tonnes par an selon la même source).

Pour améliorer le tri et augmenter le taux de recyclage, les pouvoirs publics ont publié mi-mars un arrêté modifiant le cahier des charges des éco-organismes de la filière, qui leur confie la propriété des emballages en vue de leur recyclage, hors déchets bien recyclés — on parle donc des pots (de yaourt pour l’essentiel) et des barquettes en PS, des films plastiques, des flacons et barquettes en PET foncé et opaque.

 

Déséquilibres

En réaction à ce qu’ils considèrent comme « un changement radical dans la mesure où les éco-organismes de cette filière deviennent les repreneurs exclusifs de certains flux », les professionnels de la gestion des déchets, sous l’égide de la Confédération des Métiers de l’Environnement (CME), ont déposé auprès du Conseil d’Etat un recours en annulation contre cet arrêté du 15 mars — « une nouvelle étape dans la mobilisation des professionnels, déterminés à coconstruire un modèle qui intègre leurs savoir-faire ».

« Positionnés en exclusivité sur ces flux, relève un communiqué de la Fnade, qui adhère à la CME aux côtés de Federec et du Snefid, les éco-organismes deviennent les donneurs d’ordre uniques, sur l’ensemble du territoire national, avec un pouvoir disproportionné sur le marché de la reprise de ces matières. Alors que nous sommes dans une réelle dynamique de déploiement des ECT, cette exclusivité sur la reprise va déstabiliser profondément les investissements dans les installations industrielles, portés par les acteurs de la filière, collectivités et opérateurs. »

 

Eviter un dangereux précédent

Les professionnels de la gestion des déchets attendent de ce recours au Conseil d’Etat qu’il ouvre un nouvel espace de concertation et de dialogue équilibré, pour développer un modèle de filières REP performantes et atteindre collectivement les objectifs ambitieux de recyclage.

Car la crainte des recycleurs, c’est que ce qui se trame dans la filière des emballages ménagers ne constitue un dangereux précédent pour l’ensemble des filières à responsabilité élargie du producteur (REP). « On ne voudrait pas que ce soit la future configuration des REP à venir », a notamment déclaré le nouveau président de la Fnade, Antoine Bousseau — l’inquiétude porte en particulier sur la future REP des emballages professionnels, dont la mise en place doit débuter en 2023 avec les cafés, hôtels et restaurants (CHR), pour se généraliser à tous les secteurs en 2024.

 

Recycleurs et collectivités font front commun

De son côté, l’organisation Amorce souhaite également que les pouvoirs publics rouvrent les discussions, rappelant que les collectivités locales ont investi dans des centres de tri. Premier réseau national de collectivités territoriales et d’acteurs locaux engagés dans la transition écologique et énergétique, l’association a fait sa propre saisine du Conseil d’Etat, et conteste elle-aussi l’arrêté sur le fond.

 

« Les collectivités locales, rappelle le délégué général d’Amorce, Nicolas Garnier, ont compétence pour la collecte, le tri et le traitement des déchets. Là, on ne pourra pas optimiser notre collecte comme on l’entend. Or la vente des déchets plastiques permet aux collectivités locales d’encaisser une recette qui permet de baisser la taxe sur les ordures ménagères. »

 

Alimenter les usines de recyclage chimique des plastiques ?

Cette passe d’armes juridique au sujet des emballages en plastique intervient alors que les projets fleurissent les uns après les autres dans le recyclage chimique (voir nos articles précédents sur Eastman, Loop ou Carbios), qui se pose en concurrent du recyclage mécanique.

Pour les opérateurs de la gestion des déchets, l’exclusivité qui serait confiée à Citeo ne constituerait « en rien un gage pour sécuriser l’approvisionnement de futures unités de recyclage chimique. En tant qu’éco-organismes agréés, ils ne possèdent pas les outils industriels nécessaires à l’émergence rapide de projets et les exigences législatives de lancement des appels d’offres, en respect des règles de passation de marché, ne peuvent leur permettre de sécuriser l’approvisionnement d’une unité plutôt que d’une autre ».

 

Un savoir-faire éprouvé

Et la CME de rappeler : « Massifier des flux de déchets pour approvisionner des industriels en matières recyclées de qualité est un savoir-faire éprouvé depuis de longues années par les entreprises de la gestion des déchets qui, en amont, collectent, trient et transforment les déchets, notamment plastiques, et en aval, répondent aux besoins des industriels consommateurs de matières recyclées. » « Ces entreprises, ajoute la CME, préparent la matière conformément aux cahiers des charges techniques des utilisateurs afin que les matières recyclées soient effectivement réintroduites dans des cycles de production. C’est ce savoir-faire, développé pour le recyclage mécanique historique des plastiques, qui sera nécessaire pour l’approvisionnement des futures unités de recyclage chimique.

De plus, la profession innove et contribue au développement de l’outil industriel de recyclage en préparant des flux de matériaux pour le recyclage mécanique et, en complément, pour le recyclage chimique de certaines résines, dès lors que les bénéfices environnementaux sont avérés. De nombreux projets émergent actuellement et ce, bien au-delà des seuls plastiques issus des emballages ménagers (par exemple de la filière des textiles où l’enjeu du recyclage est important). »