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Gouvernance des REP : Un état des lieux « sévère mais juste »

Posté par : Juliette Ulmann 01.10.2024 à 15h46

Paris.– En janvier 2024, la Première ministre Elisabeth Borne, a confié au conseil général de l’économie, à l’inspection générale des finances et à l’inspection générale de l’environnement et du développement durable une mission « destinée à réformer la gouvernance, la régulation économique des filières de REP et le fonctionnement des éco-organismes, afin de renforcer l’efficacité environnementale et économique de ce dispositif ». Le rapport issu de cette mission a été rendu en juin dernier.

Un fonctionnement à réformer

                Au terme de six mois de travail,  alimenté notamment par 91 entretiens avec les parties prenantes, les conclusions tirées peuvent être résumées comme suit. Il a été constaté que « les performances des filières REP présentent d’importantes marges de progrès : 40 % du gisement de déchets soumis à la REP échappe encore à la collecte et 50 % n’est pas recyclé ». Or, pour atteindre les objectifs visés, une forte hausse des écocontributions est prévue entre 2022 et 2029 (+6 milliards d’euros). Ces hausses « pèseront sur les marges des entreprises ou sur le consommateur », fait qui ne pourra être accepté que si les performances des filières REP s’améliorent de façon rapide et significative. Toutefois, « les conditions ne sont pas réunies pour garantir une telle évolution : le pilotage des filières REP par les pouvoirs publics présente des défaillances qui ne peuvent être rectifiées à cadre institutionnel constant et le système d’incitations en direction des différents parties prenantes des REP est en partie mal orienté ». Par conséquent, le rapport formule dix propositions articulées autour de trois piliers :

· la création d’une instance indépendante de pilotage et de régulation des filières REP, en charge de gérer notamment les équilibres concurrentiels, les différends et le dispositif de contrôle et de sanction,

· le renforcement des outils de pilotage à la main de l’instance de régulation et de l’administration centrale,

· l’amélioration du système d’incitations, notamment en direction des metteurs en marché, des éco-organismes et des collectivités locales.

D’accord sur le fond

                Du côté des éco-organismes, pas question de nier les conclusions tirées par l’Etat. Un collectif formé au printemps 2024, réunissant 22 éco-organismes de toutes tailles, a publié un communiqué de presse saluant le travail fourni. « Par son travail d’analyse approfondie, la mission d’inspection dresse un constat sévère mais juste d’une gouvernance des filières REP ne permettant pas un pilotage optimal, tant environnemental qu’économique ». 

                Les propositions formulées « rejoignent les attentes des éco-organismes, modulo certaines réserves et points de vigilance d’importance ». Les éco-organismes rassemblés en collectif soutiennent notamment la proposition d’une gouvernance « plus équilibrée entre la DGPR et la future instance de régulation ».

                Ils saluent également la « nouvelle approche guidée par des objectifs de résultats inscrits dans une temporalité plus cohérente avec le temps industriel, et non par le seul contrôle d’objectifs de moyens trop nombreux, trop rigides et souvent en décalage avec les besoins réels du tissu économique et industriel des secteurs ».

                Enfin, ils secondent l’idée que l’instance de régulation doit disposer de « compétences et d’outils coercitifs » pour lutter contre les abus et les fraudes.

Accorder des pouvoirs à l’instance régulatrice : oui !

                Sur ce point, nous avons interrogé Laurence Bouret, directrice générale de DASTRI, et Hervé de Maistre, président de Valobat. Ce dernier explique : « Les éco-organismes effectuent un travail d’identification des metteurs en marché potentiels et font leur possible pour les amener à adhérer à un éco-organisme ». Par abus et fraude, on entend notamment les « freeriders », entreprises qui n’ont adhéré à aucun éco-organisme et qui ne paient pas d’écocontribution alors qu’ils devraient le faire. « Ils sont en situation de concurrence déloyale puisqu’ils n’assument pas les mêmes coûts que ceux qui sont en règle ». Toutefois, les éco-organismes n’ont pas de pouvoir de police ni de sanction. Une fois qu’ils ont identifié les contrevenants, ils ne peuvent pas les forcer à adhérer. « Il est souhaitable que l’Etat soit plus efficace à ce niveau, indique le président de Valobat, ce qui peut passer par un pouvoir de sanction financière ».

                D’autres outils d’action sont envisagés : contrôles aux frontières et sur les plateformes de vente en ligne par exemple. « De nombreux éco-organismes militent pour que le dispositif de contribution visible sur les factures soit généralisé. Ce dispositif revêt un intérêt pédagogique et d’identification ».

                En ce qui concerne les filières illégales, « une action plus forte est nécessaire », affirme Laurence Bouret. A plus forte raison dans les filières déchets dangereux. « Un réel pouvoir de sanction et de contrôle doit être mis en place pour gérer tant l’amont (freeriders) que l’aval (filières illégales) ».

                Si les éco-organismes sont très largement en accord avec les constats formulés par le rapport d’inspection, ainsi que les propositions d’amélioration, ils expriment toutefois quelques réserves.

Gestion des fonds réemploi et réparation : garder la main

                La première concerne la gestion des fonds réemploi et réparation, qu’ils souhaitent conserver. « Il est parfaitement contradictoire, comme le fait la proposition relative à la gestion des fonds réemploi et réparation, de demander plus d’efficience aux éco-organismes tout en leur retirant ces leviers d’actions », affirme le collectif. « Comment peut-on être plus efficace alors que la gestion des fonds est confiée à une autre instance ? », pointe Hervé de Maistre. « Nous travaillons avec des entreprises du réemploi au quotidien et nous n’avons pas l’impression que confier la mission à d’autres amènerait plus d’efficacité », ajoute-t-il. « Le réemploi fait partie du continuum des leviers actionnés par les éco-organismes, au même titre que l’éco-conception, la valorisation et le recyclage », abonde Laurence Bouret.

Fragmentation des flux

                Le collectif de 22 éco-organismes relève que le rapport ne traite pas de « la fragmentation des flux de matériaux stratégiques, alors qu’elle nuit à une stratégie industrielle performante du recyclage ». Comme l’explique le président de Valobat : « Ce qui fait la valeur d’une ferraille et ce qui permet de l’orienter, ce n’est pas son usage en amont mais sa composition ». Or les filières REP ne sont pas organisées selon des critères de matière mais selon des types de produit (matériaux de construction, éléments d’ameublement, articles de sport, emballages, etc.). Par conséquent, la collecte d’une même matière est fragmentée. On se retrouve avec des gisements qui sont trop faibles pour être gérés seuls, ou une multiplicité de bennes pour un même matériau. « Ecomaison rapporte par exemple devoir mobiliser deux bennes différentes pour collecter du bois selon qu’il est issu de telle ou telle filière », indique Laurence Bouret. Le problème, c’est qu’un flux fragmenté est plus difficile à prendre en charge. « Nous partageons l’avis des gestionnaires de déchets qui regrettent souvent un manque de visibilité sur les tonnages disponibles. Ce manque de visibilité est en partie dû à la fragmentation des flux, or pour construire une vraie stratégie industrielle, il faut avoir de la visibilité », explique Hervé de Maistre.

                A l’initiative des éco-organismes, des solutions sont mises en place dans certaines déchetteries pour éviter la fragmentation, en déployant des bennes multi-REP. « Nous souhaitons développer un fonctionnement trans-REP dans ce domaine ».

La REP à la française

                Dernier point relevé par les 22 éco-organismes : « si le rapport propose de ne créer de nouvelle filière REP que si elle correspond à une exigence européenne, rien [n’est dit ] sur la surtransposition de textes européens ou l’absence d’harmonisation, qui induisent pourtant des distorsions de concurrence et une baisse de compétitivité des filières françaises ». Sans remettre en question le système de REP à la française, Hervé de Maistre regrette que « l’Etat transpose au pied de la lettre ». Il prend comme exemple le Triman, ce logo obligatoire sur les produits recyclables, qui manque de pertinence pour les PMCB. Il s’applique parfois à des éléments qui n’ont pas d’emballage, ou des éléments qui ne seront recyclés que dans 50 ans. On peut regretter « une approche franco-française parfois en contradiction avec ce qui est demandé au niveau européen, alors qu’une approche globale est nécessaire puisque les entreprises sont présentes sur l’ensemble des marchés », note Laurence Bouret. 

                Pour conclure, nos deux interlocuteurs soulignent qu’il existe un « fort consensus pour soutenir le résultat de la mission ». Ils saluent la qualité du travail fourni et se réjouissent qu’un « travail de fond, pour lequel on a mis les moyens », ait été effectué. Ils espèrent retrouver ce degré d’expertise à l’avenir dans la fixation des objectifs, car ces derniers semblent parfois inatteignables et incohérents au regard de la réalité des territoires et des infrastructures.

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