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(Par Pollutec) Pollution plastique des océans : quelles solutions ?

La pollution des océans par les plastiques, tout le monde en parle mais que fait-on concrètement ? Face à l’ampleur du problème, est-ce que supprimer les pailles et les touillettes suffit ou ne s’agirait-il pas de revoir toute la chaîne de valeur du secteur ? L’approche de la circularité est-elle suffisante si elle ne se focalise que sur les déchets ? Que valent les produits de substitution ? Beaucoup de questions auxquelles chacun (UE, Etats, professionnels, associations) tente de répondre tandis que la production mondiale continue d’augmenter.

Dans les années 1990, les gyres (ou vortex) de déchets plastiques dans les océans catalysaient l’attention. Aujourd’hui, grâce aux études scientifiques toujours plus nombreuses et précises, on sait que les déchets flottants représentent, en masse cumulée, moins de 1% du plastique présent dans les océans et que les 99% restants sont composés de micro-plastiques (< 5 mm) et nano-plastiques (< 100 nm). Ces microparticules se retrouvent même en ‘hotspots’ au fond de la mer du fait des courants marins comme l’a récemment montré une équipe internationale (dont des Français de l’Ifremer) dans la revue Science. Les micro-plastiques peuvent provenir d’abrasifs industriels et cosmétiques, de la pré-production de pastilles plastiques, de fibres synthétiques rejetées par les lave-linge ou de la dégradation des macro-déchets plastiques. Dans le cas de ces hotspots, les accumulations étaient surtout constituées de fibres issues de textiles et vêtements.

Quelle que soit leur provenance, les micro-plastiques sont ingérés par les coraux, les phyto- et zooplanctons, les mollusques, les poissons dont ils peuvent boucher le tube digestif mais chez qui ils peuvent aussi provoquer des modifications de croissance ou de reproduction en perturbant leur métabolisme et leur système hormonal. Les micro-plastiques peuvent également constituer un vecteur de polluants (hydrocarbures, pesticides, métaux lourds…). Ces constats sont de plus en plus étayés par des études scientifiques, à l’image de celle menée dans le cadre du projet Ephemare qui montre que les polluants présents sur des micro-plastiques affectent le développement de jeunes poissons. Ou encore de celle publiée fin août dans Nanotoxicology par des chercheurs de l’Ifremer et du Lemar qui démontrent de manière expérimentale que les nano-plastiques constituent un frein à la reproduction des huîtres creuses particulièrement concernées car elles expulsent leurs cellules reproductrices dans l’eau de mer. Ces plastiques (ici sous forme de nano-billes de polystyrène) seraient resphonsables d’une diminution de 79% du nombre des spermatozoïdes et de 62% de la vitesse de nage des 21% restants.

Tout cela est corroboré par les enseignements tirés de la dernière expédition de la goélette Tara qui a sillonné neuf fleuves européens et a constaté que non seulement 100% d’entre eux sont pollués au plastique mais aussi que le plastique s’y trouve déjà sous forme de micro- ou nanoparticules. La fragmentation commence donc beaucoup plus tôt que ce que l’on croyait jusque-là. La mission a aussi observé que des plastiques sans signe de toxicité avant d’être immergés présentaient une toxicité positive après un séjour d’un mois dans les fleuves. Certaines matières plastiques re-larguent leurs additifs (bisphénols A, phtalates) et d’autres, comme vu plus haut, agissent comme des « éponges à polluants ».

 

Particules plastique

 

Les solutions sont à terre

Si nettoyer les océans au sens de collecter les micro-plastiques semble aujourd’hui impossible, cela n’empêche pas d’œuvrer pour limiter les rejets à venir. En premier lieu, cela implique de travailler sur la production et la consommation des plastiques. C’est, entre autres, ce que propose la Commission européenne dans son nouveau Plan d’action pour l’économie circulaire, plus axé sur le changement de nos modes de production et de consommation.

Que ce soient des thermoplastiques (PE, PP, PVC, PET, PS…) ou des thermodurcissables (polyuréthane, polyester, epoxy, vinyl, silicone, phénols, acrylique…), les plastiques sont partout : emballages, construction, mobilité & transports, électronique, soin & santé, sport & loisirs, énergie…

D’après PlasticsEurope, l’association européenne de producteurs de matières plastiques, la production mondiale était de 335 Mt en 2016, elle est passée à 348 Mt en 2017 et a atteint 359 Mt en 2018. Une telle augmentation pourrait-elle un jour être freinée par une combinaison forte entre matériaux de substitution et intégration de matières recyclées ? On en est encore loin. A titre d’exemple, en 2018, la France a recyclé 26% d’emballages plastiques et 57% de bouteilles et flacons et les membres du Syndicat des régénérateurs de matières plastiques (SRP) ont produit 435 590 tonnes de matières plastiques recyclées. Notons toutefois qu’une start-up française (Poly to Poly) se positionne en tant que place de marché pour le plastique recyclé.

 

Des matériaux de substitution ou moins « pétrosourcés »

Au fil des années, différents matériaux de substitution ont vu le jour. Mais entre biodégradable, compostable, biosourcé, oxodégradable…, il n’est pas évident de s’y retrouver pour qui n’est pas expert en chimie. C’est en partie pour cette raison que l’Agence européenne pour l’environnement a publié fin août une note d’information (« Plastiques biodégradables et compostables – Défis et opportunités ») qui donne un aperçu des plastiques que nous pouvons trouver au quotidien et propose une définition pour chacun d’eux.

Selon cette note, « la plupart des plastiques que nous utilisons aujourd’hui continuent d’être fabriqués à partir de sources fossiles et les taux de recyclage restent faibles. Face à la demande du public, certains fabricants ont introduit des plastiques d’origine biologique, compostables ou biodégradables mais ceux-ci représenteraient une part de marché d’à peine 1%. Censés réduire le problème de pollution posé par les plastiques, ces nouveaux plastiques doivent être correctement éliminés, encore faut-il connaître le mode de dégradation dont on dispose. En effet, les conditions ne sont pas les mêmes dans un composteur domestique, dans une unité de compostage industriel et, a fortiori, dans un environnement ouvert ».

La note précise que « de nouvelles améliorations dans l’utilisation et l’élimination (de ces plastiques) permettraient de rendre leur utilisation plus efficace ». Au final, les auteurs considèrent qu’une meilleure sensibilisation à l’élimination des plastiques biodégradables et compostables aiderait à résoudre le problème des plastiques en Europe.

 

Quelles voies de recyclage ?

Le recyclage des matières plastiques se fait de manière mécanique : c’est la « régénération » (cf. lavage, broyage, tri, extrusion des paillettes pour produire des granulés) qui suppose un tri précis des flux entrants et peut présenter des limites (couleur, décontamination, vieillissement des matières recyclées).

Le recyclage peut aussi se faire de manière chimique. Dans ce cas, trois voies principales sont utilisées. La dépolymérisation permet de casser les liaisons des polymères pour revenir à l’état de monomère (pour les emballages en PET complexes, colorés ou opaques, multicouches…). Plusieurs entreprises et organismes de recherche se spécialisent dans ce domaine : Carbios et IFPen (France), Loop et Pyrowave (Canada), Garbo et GR3N (Italie), Ioniqa (Pays-Bas), Jeplan (Japon) (1).

La dissolution dans un solvant spécifique suivie d’une filtration est, elle, plus adaptée aux films à base de PE et aux emballages en PS ou en PP. C’est la voie choisie par l’Américain PureCycle Technologies (qui vient de s’associer avec Total, ce dernier s’engageant à acheter une partie de la production de PP recyclé) ou encore par le Canadien Polystyvert et les Allemands APK et Fraunhofer IVV.

Troisième voie possible, la conversion via des techniques thermiques (pyrolyse, gazéification) permet de transformer les plastiques (PE, PP, PS) en composés chimiques pour la plasturgie ou en liquide et gaz combustibles utilisables comme carburants. Le Britannique Recycling Technologies, par exemple, transforme par pyrolyse les plastiques en hydrocarbures. De même, l’unité Chrysalis incubée par l’association lyonnaise Earthwake peut convertir 160 kg de déchets plastiques en 120 l de Diesel par jour après plusieurs cycles de pyrolyse. Le carburant produit est stabilisé avec des additifs. Deux camions bennes circulent aujourd’hui avec 10% de ce ‘Diesel de plastique’ dans le département des Alpes maritimes. Il n’y a en revanche pas de plafond pour une utilisation en groupes électrogènes. Des projets pilotes pourraient voir le jour au Sénégal et en Tunisie.

Notons par ailleurs un procédé catalytique (VolCat), développé par des chercheurs d’IBM, qui digère les polyesters et produit une matière directement transformable en plastique pur, donc injectable dans des process industriels.

Selon l’IFPen, l’avenir du recyclage chimique dépendra de la capacité des acteurs à lever deux verrous : optimiser les procédés en fonction des charges disponibles et adapter les procédés aux cibles produits.

 

Un secteur en devenir : la détection de micro-plastiques dans les milieux

D’après les estimations, entre 8 et 10 milliards de tonnes de déchets plastiques seraient déversées dans les mers chaque année. Pouvoir les détecter et les quantifier est donc important, en particulier pour orienter les décisions. Dans ce domaine, deux projets menés au sein du Pôle Mer Bretagne-Atlantique sont intéressants. Le projet Deep Blue a permis de développer une nouvelle source laser capable de détecter aussi bien des micro- et nano-plastiques que des bactéries, des hydrocarbures ou d’autres polluants dans les océans via une technologie photonique (pilote Oxxius). Et le projet Microplastic vise, lui, à développer des outils de détection et de quantification, dans les bassins versants et les masses d’eaux côtières, des micro-plastiques et contaminants associés et d’identifier leurs sources.

 

1) IFPen, Axens et Jeplan ont signé un accord pour développer un procédé de recyclage par dépolymérisation (via glycolyse) et purification de tous les types de déchets à base de PET (bouteilles, films, barquettes, textiles). Ce procédé (“Rewind PET”) sera commercialisé par Axens d’ici 2022.

 

 

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